A l’horizon 2019, le Centre hospitalier de Belley doit déménager dans des locaux plus modernes. Comme tout lieu qui « disparaît », ce déménagement est vécu avec appréhension par les professionnels de santé et les usagers, étant précisé que « le Centre Hospitalier de Belley dessert un bassin de population de 50 000 habitants qui correspond au Bugey-sud. Compte tenu de sa position géographique, son attractivité s’étend à l’avant-pays savoyard et à une frange du nord-Isère ».
Travailler sur le centre hospitalier de Belley, c’est travailler sur l’histoire du lieu mais aussi sur l’image, que dégage l’hôpital. L’hôpital évoque à la fois le soin, la guérison, les progrès de la science mais aussi la maladie, la mort, l’enfermement, la solitude, les longs couloirs blancs.
Les artistes de Blick Photographie Félicien Bonniot et Chloé Colin proposent d’utiliser les matériaux de l’hôpital utilisés et obsolètes (médicaux : plâtre, radios, fluides, instruments utilisés et obsolètes et les matériaux plus triviaux du quotidien comme des meubles et autres objets) pour les détourner et les réutiliser dans un processus artistique de création et de conservation. Les différentes étapes de ce processus sont réalisées en relation avec les usagers et les personnes travaillant à l’hôpital, qui interagissent par la parole, l’écriture, la photographie et la vidéo.
A une époque où les techniques et le matériel de soins changent constamment, n’y a-t’il pas un devenir sculpture des objets, une tentation muséale des pratiques médicales actuelles? A l’heure où le centre hospitalier de Belley s’apprête à migrer, à changer de forme, qu’advient-ils des anciens espaces, des outils délaissés?
Proposition des artistes:
Vestiges, fantômes, fétiches ou totems.
A l’aide de bandelettes de plâtre, nous voulons recouvrir des ustensiles médicaux, du mobilier, des objets du quotidien d’un hôpital. Une fois le plâtre séché, l’instrument recouvert est enlevé et il ne subsiste alors qu’une coque vide à la surface de laquelle se dessine la forme d’un haricot médical, d’une attelle, d’un plateau repas… Du fait du projet du nouvel hôpital, beaucoup d’outils, d’objets ne feront pas la transition et sont amenés à disparaître, à être abandonnés. Dans une accélération de ce mouvement, notre souhait est de les transformer en traces archéologiques, d’en faire les signes d’un temps passé à venir.
Empreintes, témoignages et fossiles.
Si le premier geste est celui du moulage, il est immédiatement redoublé par un geste de recouvrement. Faire disparaître pour mieux révéler.
Qu’apparaît-il alors? Quelles sont ces formes qui semblent attendre en dessous de la surface, en dessous de ce blanc? La question n’est plus tant de reconnaître ce qui a donné forme à cette blancheur étale mais plutôt de savoir ce qui reste de cette coquille vide, de ce moule, non pas en attente d’être rempli, mais déjà usité.
Le plâtre peut venir recouvrir des formes plus amples (mobilier d’une chambre, chariots médicaux…) transformant ainsi le plein en creux tel un cocon expansible, uniforme qui digère et absorbe intégralement tout ce qu’il recouvre…
Surface, phagocytage, abstraction.
Travail sur la mémoire de l’hôpital avant déménagement avec le personnel de l’hôpital, collecte de traces avant disparition. Distribution d’appareils jetables, collectes de portraits, de phrases, d’entretiens sonores.
Pour la composition sonore, nous proposons d’organiser une collecte des récits de rêves auprès des patients et du personnel soignant, rêves faits pendant un séjour à l’hôpital ou rêves dont l’objet est l’espace de l’hôpital. A ces récits rêvés seront mêlés des descriptions sonores de l’hôpital obtenues sous forme de déambulation avec des groupes (description d’une pièce, d’un couloir, enregistrement d’une ambiance sonore) et d’espaces naturels du territoire permettant ainsi aux usagers de faire le lien entre l’intérieur et l’extérieur et de favoriser le déménagement de l’hôpital.
Le mélange de ces histoires réelles et rêvées permet d’esquisser une cartographie mentale de l’hôpital, un espace entre ancrage dans la réalité des corps et des lieux et flottement émanant des structures de soins (déambulation, blancheur, univers aseptisé).